Le sentier
- Jean-Marie
- 17 août 2024
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 janv.


Tout est calme. Pas un bruit alentour. La nuit a pris possession rayon par rayon de la lumière du jour. Aucune lune en halo. Où en est-elle ? Pas un souffle de vent pour faire trembler les feuilles des frênes qui s’alignent en ordre le long du sentier. Le sentier n'est que rochers compacts et mes pas ne laissent échapper aucun son. Je marche sans lumière. Pourtant je vois clairement le blanc des pierres, de ce même clair que génère Séléné, comme si les pierres étaient encore chargées de l'énergie de la dernière pleine lune. Je ressens le sentier comme un faux plat descendant, une pente douce et droite. Il ne serpente pas. La voûte céleste se devine furtivement entre les feuilles des arbres que je longe. Prenant garde à mes pieds je ne peux être dans la contemplation cosmique.
Depuis le temps que je marche, je sens le soleil me chauffer et me brûler en parcelles d'épiderme. Je ne me souviens pas précisément de son lever, juste la perception indéfinissable d'un voile qui se dénoue, qui se déplisse, qui s'entrouvre et qui laisse passer la lumière. Et puis l'immobilité, l’allongement, l'air qui caresse. Un air sec souvent, un air humide parfois, un air environnement chargé de sons et d'esquisses d'images. L'immobilité s'estompe, des formes qui bougent en prolongement. Le vertical s'installe, premiers pas. L'équilibre est instable. La lumière devient claire, le chemin devient blanc, le sentier devient pierre. Le sentier est montant, il serpente, il s'invite, il m'apprends quand je chute. Ses cailloux sont saillants, mes genoux les colorent quand ils s'ouvrent sur eux. En bas c'est le vertige. Je marche doucement et je m'élève vite. En bas c'est précipice, en bas c'est noir sans fin, en bas c'est attrayant. Le soleil se hisse il chauffe déjà ma chair. Les arbres sont trop rares, les arbres sont trop nains ils n'apportent pas l'ombre. Et puis le vent se lève. Éole veut modeler. Les arbres grondent, les poussières volent et mes yeux piquent. La pente se fait plus raide. Mon corps devient trop grand. Il pousse dans tous les sens et le soleil le chauffe. Je me souviens qu'en bas avant que soit le jour, c'était calme et serein. Éole alors s'acharne et il prend de l'ampleur. Et bientôt c'est l'orage d'Éros. Pas d'abri je suis seul. Les larmes coulent sur les pierres, le sol devient glissant. Les arbres se mettent à croître, le sentier s'infléchit.
Le chemin se redresse, le chemin s'élargit, il serpente beaucoup moins. La tourmente est passée. Les tournants prennent fin. Les arbres offrent les premières ombres même si Hélios encore s'élève. Éole me fait la brise, Éros renvoie Priape. La pente se fait douce, le pas s'allonge. Il faut que le temps dure, il faut que je l'endure. Ma peau se hâle et s'hale mon corps. Mon cœur épris génère chorale qui entrouvre à son tour le voile qui sépare l'eau de l'air. Et c'est en chœur que se chante une bienvenue sur le sentier de la vie. Avec l'amour, nous ne sommes plus deux. Nous portons en nos bras l'immobilité et l'allongement. Nos pas bercent, nos pas charment, nos pas leurs disent déjà le précipice et la pente. Hélios est au Zénith, les ombres sont graciles. Parfois les nues se percent. Éole sèchent nos peaux. Éros les fait s'aimer. En plein milieu du jour Séléné s'est levée.
Jean-Marie Giraud,
Réallon, le 17 août 2024
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