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Rouge des prés

  • Photo du rédacteur: Jean-Marie
    Jean-Marie
  • 6 avr. 2023
  • 9 min de lecture





Par où commencer ? C’est un peu délicat, genre pas simple à définir ! Si je dis il s’appelle untel et elle unetelle c’est déjà ne pas prendre en compte la stricte réalité de leur histoire et de leur rencontre. Pourtant il convient d’établir un départ à cette histoire.


Iris et Ethan se sont rencontré.e.s il y a trois ans et leur émoi fut si fort que depuis il ne se sont plus quittés. Ils se sont rencontrés ; elles se sont rencontrées eut pu être meilleur accord grammatical bien que... Tou.s.tes deux de génération Z avec tendance Alpha vers le meilleur des mondes, elles ont mis en commun leurs doutes déterminés et leur indéterminations d’orientation de genre.


C’est dans un groupe d’échange LGBTIQ+ qu’ils ont fait connaissance. Tous deux originaire de Gascogne, ils se sont vite trouvé.e.s des points communs dont celui d’avoir la certitude que pour eux ce serait un peu la croix et la bannière s’ils restaient à Bagnères-de-Bigorre. Ethan se qualifiait, au moment de leur rencontre, de borderline dyadique trans à intersexualité variable alors qu’Iris se projetait d’avantage comme une personne trans non-binaire à attirance biromantique. Toutefois tous deux se sont accordés à se désirer l’un l’autre en projetant l’idéal de leur union dans un environnement composite où le végétal et l’animal feraient cause commune pour engendrer le bonheur. Élever en cultivant, cultiver en élevant tel se résuma rapidement l’orientation de leur vie commune en y joignant la minéralité nécessaire à l’équilibre et l’humidité indispensable à toute vie biologique.


L’élevage hélicicole fut leur première projection sans doute du fait de l’hermaphrodicité du cheptel ; mais que de bave ! Que de bave !Puis vint l’idée de la conchyliculture rendue attrayante par la multiplicité des pieds pris ! Mais que de bouchots ! Que de bouchots ! La cuniculiculture les tenta également mais l’idée du clapier qui enferme les rebuta et toujours le lapin sur lapine ! L’ostréiculture ? La aussi c’est le parc qui enferme la marraine de Claire pour savoir qui a la plus fine ! La sériciculture : ils y songèrent il fallait le mûrier et les œufs japonais transportés par l’Alessandro de « Soie ». Mais que de fils à dérouler pour tisser l’avenir ! L’élevage piscicole au pays de Schubert les amusa mais il faut des bassins pour faire des alevins avec quelques notes saumonées à faire rosir les amoureux !


L’aquaculture à quoi ça sert si l’eau de là devient vaine à force d’héberger des êtres en culture qui se reproduisent en donnant l’œuf en prétexte ! Iris, petit à petit, devint maussade et son regard ternit à vue d’œil. Ethan, quant à ielle, étant de nature moins mélancolique qu’Iris, pris l’eau un peu en grippe et pris habitude de ne plus en mettre dans son vin ! Si tous deux cuniculaient encore souvent et même en dehors des habitats prévus à cet usage, leur amour en liaison s’extragenrait de plus en plus et se détendait au fil du courant des étiers et des années.


Trois ans donc s’étaient écoulés et les expériences d‘amour et d’eau fraîche en milieu aqueux ou non aqueux se soldèrent par une insatisfaction affective et matérielle plutôt préoccupante. Omnivores ascendants flexitariens privilégiant l’absorption des êtres vivants équidistant du végétal et de l’animal, Iris et Ethan avaient du mal à se nourrir en conformité avec leurs aspirations profondes. Leurs expériences agricoles diverses et variées, qui les avaient obligés à très souvent se nourrir des invendus, avaient généré chez eux quelques dégoûts pour les marennes et la vue des coquilles des bivalves ou des hélicoïdes créaient souvent chez ils.lles un révulsement de paupières fort irritant surtout pour les iris d’Ethan ! L’alevinage façon Schubert leur avait fait perdre le goût de l’eau et le clapier le goût du plaisir.


Lors Iris et Ethan, ces deux gascon.ne.s – à définir selon la priorisation des genres quand ils sont en nombre –, décidèrent de ne pas persévérer dans la culture. Que celle-ci soit aqua ou cuni, sérici ou hélici, ostréi ou conchy, il se sont dits : « décultivons nos jardins secrets, ramassons le blé tant qu’il est là, avoinons-nous avant nos mises bière et surtout minéralisons nos avoirs et amoncelons de la caillasse ! »


Ils changèrent de régime. Ils conchièrent les bouchots, speedèrent les gastéropodes, immergèrent les lagomorphes de garenne dans les marennes afin qu’ils y génocident les bivalves ostreidae et enfin, pour que la suite soit cousue de fil blanc, ils immolèrent les vers à soie sur l’autel de l’indifférence aux charmes du bombyx ! Si Iris se fit excessivement carnivore de grands vertébrés bovidés, Ethan se découvrit une passion pour les gallinacés de toutes plumes ! Leur amour devint viandard tant dans la rouge que dans la blanche mais il se corsa aussi puisque cette appétence nouvelle devait se conjuguer en labourant sans engrais et en pâturant sans délais !


Dire qu’à partir de là ils dégustèrent serait mettre la charrue avant les bœufs – les bœufs sous le même joug ayant pour signifiant la traction animale permettant le labour sans énergie fossile. E.lles.eux continuèrent à s’aimer… La vie d’amour et d’eau fraîche s’effaça petit à petit derrière une vie de tartare et de vin chaud cherchant après chaque festin à assouvir le besoin irrépressible du passage du cure-dent avant la caresse de la peau. Un chanteur célèbre du troisième quart du vingtième siècle parlait de l’âge d’or quand le ventre prend naissance quand le ventre prend puissance quand il vous grignote le cœur ! Mais Iris et Ethan n’en avaient cure ! Leurs ventres n’étant pas proéminents et leurs cœurs encore gros de s’être détournés de l’humus primordial, il n’avaient rien à faire des considérations de cette brêle passéiste. Pour gagner de la caillasse il fallait se la jouer western : pour Iris des bovins, pour Ethan des bêtes de thanksgiving’day !


Iris pensa au lointain monarque Henri et à son ami Sully qui eut cette phrase visionnaire : « pâturage et labourage sont les deux mamelles de la France ». « Pendant qu’elles pâtureront je la bourrerai, s’imagina Iris avec une brillance inhabituelle dans l’œil en voyant Ethan penchées sur des œufs en position d’être la bourré.e . Oh que je suis coquin.e quand même, si ielle lisait dans mes pensées que dirait-ielle ? Mais bon, pour la caillasse il faut de la mamelle et l’une d’elle c’est la pâture et qui pâture ? Ce ne sont pas les gallinacés que je sache mais bel et bien les beaux bovidés de nos provinces»


Ethan pensait au père fondateur des États-Unis, Benjamin Franklin, qui aurait aimé faire du dindon l’emblème de sa nouvelle nation… C’est largement aussi classe que le coq gaulois. Et puis un doux glou-glou c’est aussi bien qu’un cot-cot ou qu’un cocorico ! Ethan était tout à ses pensées penché.e sur le nid tout frais où Hortense, sa dinde blanche de Beltsville venait chaque jour déposer un œuf dûment fécondé par Louis son dindon noir du bourbonnais, quand il sentit derrière luielle une main d’éleveu.r.se lui caresser les fesses .


Depuis qu’ielle s’était mis.e en tête d’élever des bovidés Iris changeait. Et son corps androgyne l’intriguait nettement moins que la morphologie des taureaux. Pourtant cette main fut bienvenue attestant qu’il leur restait du cœur et que seul le bas ventre était en train de prendre puissance. Il s’aimèrent là prenant garde de ne pas faire d’omelette en réalisant leurs galipettes.


« Tu sais mon amour, dit Iris à Ethan une fois le calme revenu et les œufs préservés, que j’ai commandé une limousine ! »

« Mais qui va la conduire s’exclama Ethan surpris par l’abrupt de la révélation, et où la garer ? »

« Je t’en prie Ethan, nous sommes dans une fiction donc pas de considérations rationnelles ! »

« Excuse-moi tu as raison, mais nous n’avons ni l’un ni l’autre le permis de conduire une limousine ! »

« Elle le sera par un magnifique Salers qui arrivera tout à l’heure par le train de 18 heures 42 en provenance d’Aurillac »

« Ce n’est pas un salaire qu’il convient de faire venir pour conduire la limousine mais un chauffeur ! »

« Parle pour toi mon bel Ethan ! Une chauffeuse pour tes œufs ou même mieux une couveuse ! »

« Je ne vois pas le rapport ! »

« Quand le Salers rencontrera la limousine et bien il est fort à parier qu’ils feront comme font Hortense et Louis avant qu’Hortense ne remplisse le nid ! Tu comprends ? »

« La limousine eut pu être une abondance ou une normande alors ! Ou une Aubrac que tu aurais appelé Raymond ou une corse ou une îlienne Jersey… Mais dis-moi Iris, chez les bovidés, y-a-t-il des borderline dyadique trans à intersexualité variable ou des individus trans non-binaire à attirance biromantique ? »

« Je ne sais pas. Il semblerait que le Salers en provenance du massif central soit un individu totalement hétéro et couillu à robe rouge acajou ! »

« J’espère que nous n’aurons pas à réaliser quelques vérifications d’usage pour nous en assurer ! »

« Que veux-tu dire Ethan ? »

« Duos habet et bene pendentes »

« J’ai dit robe rouge acajou pas à robe rouge cardinal ! »


Iris et Ethan se mirent à rire de bon cœur en évoquant l’abondance du Salers entrant son Aubrac dans la Limousine sur fond de rouge des prés ! Et puis ils se calmèrent. Il était plus de vingt heures et la faim gagna sur la tranche de rire.

« Tu n’as pas oublié d’acheter des tomates pour les burrrgers ? Demanda Ethan sur un ton quelque peu affolé ? Et le fromage Président tranche pour burrrger ? »

Iris le rassura sur le sujet et, en association d’idée avec la peur exprimée par Ethan sur la bien-fondé des burgers, osa lui poser une question quelque peu indiscrète, une question qui la turlupine depuis leur changement de régime :

« Ne serais-tu pas en train de virer ta cuti et de devenir un hétéro classique à mono-valence éjaculatoire ? »

Devant la soudaineté et la brutalité de la question, Ethan resta coi . Comment ielle, Iris, cet.te amour de toujours en partage de chair et en caresse de peau, hermaphrodite jusqu’au bout des ongles, comment ielle, pouvait-ielle se poser la question de sa binarité… Et il ne put que répondre :

« Ça me troue le cul ! »

« Depuis que tu te passionnes pour les gallinacés, je sens ton vocabulaire changer… Tu veux te faire une poule, tu veux fourrer une dinde... Et je te mange une cuisse de volaille par-ci, j’ai envie de faire de la traite de viande blanche et cette oie me met en émoi… Et maintenant mes propos te trouent le cul ! Et moi et moi et moi aurais-je envie de dire ! Cria, plutôt qu’ielle ne le dit, Iris sur un ton de reproche !»

« Mais m.on.a bel.lle Iris tu es sacrément vache de ton côté. Depuis que tu t’es mis.e en tête de faire de l’élevage bovin, ton abondance mammaire n’a fait que croître. Ton trans non binaire à attirance biromantique s’est transformé en proposition provocante de ta croupe charolaise à tout bout de champ et dès qu’Hortense à le dos tourné ! C’est une torture pour mes yeux de bœuf énamouré... »

« … J’ai fait le test même sans chaise percée : Duos habet et bene pendentes ! Coupa Iris sur un ton enjoué, tu ne peux donc pas avoir des yeux de bœuf puisque tu n’es pas un bœuf. Et puis, entre nous soit dit, ma croupe charolaise tout de même elle te met en émoi n’est-ce pas ?»

« J’avoue que la vie au grand air et le constat des mœurs des animaux autour de nous a changer ma vision sur la beauté des choses. Certes la conchyliculture et l’héliciculture avait du sens tant dans leur bivalvitude pour la première que sur leur extrême lenteur bavante et interchangeable pour la seconde, mais elles ne reflétaient guère mes aspirations profondes. Quand à la cuniculiculture, si elle représentait une alternative vertébrée inintéressante, elle ne pouvait avoir sens qu’en visionnage au ralenti ! Je te vois de plus en plus comme une « femme » et en parlant de toi je suis tenté de dire elle. Je sais c’est un peu réducteur mais... »


« ...Pas de mais mon beau taureau, pas de mais ! Moi aussi je pense il quand je pense à toi, poursuivit rapidement Iris. Je voudrais vraiment être ta montbéliarde hardie, ta blonde d’aquitaine, ta romagnola exubérante, ta rubia gallega danseuse ibérique, ta fresh galloway isn’t it, ta british white cattle pour le tea time ! Je me sens femme juste femme et attend fébrilement l’arrivée de mon Salers ! Peut-être veux-tu l’être ? »

« Oh ! Ma belle oie blanche comment tu me parles ! Je ne suis pas angus, je ne suis pas holstein mais je me sens bien jars ! Je suis du genre glou-glou tu es rouge des Ardennes, Hortense peux bien caqueter tu es ma Joséphine la vraie blanche de Beltsville ! Dans notre nid d’amour nous couverons tous deux des veaux de ville houleux et des œufs vrais quelque peu paresseux ! M’aimes-tu encore en hétéro fermier ascendant pures nuggets ?

« Oui mon amour ! Te feras-tu Salers ? »

« Je serais ton Salers… Sans la peur, un Bayard sans reproche ! »



Jean-Marie Giraud,

Corps, le 5 avril 2023

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